Jésus ne devait guère apprécier les porcs. C’était un Juif, dont on peut discuter les tendances pharisiennes ou hassidéennes, mais le cochon était sûrement impur pour lui …
Après avoir quitté Capharnaüm, il prêcha au sud est du lac de Tibériade, dans les villes de la Décapole. Il y délivra un possédé du démon Légion. Et ce démon, qui était multiple, quitta celui-ci pour un troupeau de cochon domestique (puisque gardé), lesquels se jetèrent du haut d’une falaise dans le lac…Marc 5 2-13
Fin des petits cochons. Que pouvaient ils bien faire là, dans une contrée où leur réputation n’était plus à défaire ? La région était fortement hellénisée et occupée par les romains , ceci expliquant probablement cela. Sans oublier que la religion juive coexistait , même à l’époque du Christ, avec des cultes païens locaux.
Mais qu’ont donc faits les cochons aux juifs ? On trouve beaucoup d’explication plus ou moins argumentées.
Le cochon est sale : il se roule dans la fange. En fait il ne se roule dans la fange que lorsqu’il n’a rien d’autre. Et uniquement pour survivre à un coup de chaleur qui s’installerait inéluctablement s’il ne le faisait pas. Pas bien solide donc.
Le cochon transmet des maladies et en particulier la trichinose. Ce qui par parenthèse n’empêchait pas les dits romains et autres hellènes locaux d’en manger sans problème. La chèvre transmet la brucellose, le mouton l’hydatidose (par ses larves dans les crottes de canidés) , et la viande de bœuf peut entraîner des toxi-infections alimentaires et des parasitoses digestives. Pas bien plus fort.
Parce que leurs ancêtres auraient eu pour totem le sanglier. Manque de chance, l’élevage et la consommation du porc dans le Proche Orient correspondant à la Palestine de l’âge du Bronze et du fer est avérée.
Les Juifs comme les chrétiens sont attachés à leurs textes fondateurs, mais ont le droit et le devoir de les interpréter. Les textes fondateurs sur l’abstention du porc sont le Lévitique et le Deutéronome. Que disent-ils au sujet des animaux terrestres ?
Lévitique
11.3 Vous mangerez de tout animal qui a la corne fendue, le pied fourchu, et qui rumine. 11.7 Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue et le pied fourchu, mais qui ne rumine pas: vous le regarderez comme impur. 11.8 Vous ne mangerez pas de leur chair, et vous ne toucherez pas leurs corps morts: vous les regarderez comme impurs.
Deutéronome
14.4 Voici les animaux que vous mangerez: le boeuf, la brebis et la chèvre; 14.5 le cerf, la gazelle et le daim; le bouquetin, le chevreuil, la chèvre sauvage et la girafe. 14.6 Vous mangerez de tout animal qui a la corne fendue, le pied fourchu, et qui rumine. 14.7 Mais vous ne mangerez pas de ceux qui ruminent seulement, ou qui ont la corne fendue et le pied fourchu seulement. Ainsi, vous ne mangerez pas le chameau, le lièvre et le daman, qui ruminent, mais qui n’ont pas la corne fendue: vous les regarderez comme impurs. 14.8 Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue, mais qui ne rumine pas: vous le regarderez comme impur. Vous ne mangerez pas de leur chair, et vous ne toucherez pas leurs corps morts. En regardant cette liste d’animaux terrestres, on remarque que seuls sont autorisés des animaux herbivores stricts. Le lièvre et le daman (sorte de rongeurs proche du lapin ) sont interdits cependant, probablement du fait de l’habitude de ces animaux de manger leur crottes (animaux caecotrophes). Le chameau quant à lui sert à d’autres usages que l’alimentation dans ces contrées.
Les autres animaux interdits (oiseaux et poissons ) répondent à la même obligation, les oiseaux carnassiers et ceux de régime varié sont interdits. Les poissons sans écailles en Méditerranée sont les requins et les raies, les poissons sans nageoires sont les murènes …
On ne peut l’affirmer, mais ce classement en fonction du régime alimentaire est troublant.
La raison est peut-être à chercher dans la Genèse, où le régime d’Adam et eve et de leurs enfants est précisé : strictement végétarien.
« 1.29 Et Dieu dit: Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d’arbre et portant de la semence: ce sera votre nourriture. «
Ce n’est qu’après le Déluge que Noé et ses enfants sont autorisés à manger de la chair d’animaux saignés.
« 9.3Tout ce qui se meut et qui a vie vous servira de nourriture: je vous donne tout cela comme l’herbe verte. 9.4 Seulement, vous ne mangerez point de chair avec son âme, avec son sang. « L’explication serait alors : les hommes sont autorisés à ne manger que des herbivores, parce qu’eux mêmes étaient primitivement des phytophages. Le cochon, omnivore ne peut donc être consommé, de même que les autres animaux de régime carné, total ou partiel.
Il n’ y a pas semble-t-il d’explication de cela dans la Bible sinon qu’elle fut élaborée en son temps. C’est à dire un temps où polythéisme et animisme existaient et qu’ils peuvent y avoir laissé une influence. Plutarque, au Ier siècle de notre ère ne disait-il pas, pour inciter à ne pas consommer de viande : « Quoique la doctrine sur le passage des âmes en divers corps ne soit pas démontrée, le doute seul ne doit-il pas nous imposer la plus grande réserve et la plus grande crainte « - De l‘usage des viandes, cité par Waegman Anthropozoologica 1988.
Consulter les sites consacrés au végétarisme est éclairant sur la persistance de ces convictions dans notre monde actuel.
La croyance était-elle alors que l’homme devait être végétarien, selon la volonté Divine (Darwin le pensait aussi) ? Son régime dut se diversifier (pour des raisons non explicitées) , et il se mit à manger de la viande. Pour éviter cependant d’ingurgiter l’âme d’un animal, carnassier, féroce, il lui fallut choisir des animaux paisibles donc des herbivores. De façon à ne pas hériter lui-même d’une âme cruelle et sanguinaire.
Références
Bruno FISZON Les lois alimentaires juives,Bull Acad Vet France 2008 :161 :331-339
Dor , . Explication zoologique des prescriptions alimentaires de la Bible et du Talmud. In: Bulletins et Mémoires de laSociété d’anthropologie de Paris, VIII° Série. Tome 8, 1937. pp. 63-70, Persée.fr
Vila E. & Dalix A.-S. 2004. – Alimentation et idéologie : la place du sanglier et du porc àl’Âge du Bronze sur la côte levantine. Anthropozoologica 39 (1) : 219-236.
Bible Segond